자료: [자료] Braudel et Schumpeter : deux manières de voir le capitalisme ?
발췌:
1.
Si le capitalisme s'appréhende comme une totalité économique chez l'Autrichien, il ne constitue qu'une partie de “l'économique”[n4] pour l'historien.ㅡ[n4] Chez Braudel, l'économie qualifie en général l'étage du marché et du capitalisme (respectivement deuxième et troisième étage).
2.
L'édifice de la société selon Braudel se compose de 3 étages : la “vie matérielle” ; “la vie économique” correspondant au marché et le “capitalisme”[n10].ㅡ[n10] Insistons : le capitalisme n'est donc en aucun cas synonyme d'économie de marché. Alors que selon Schumpeter, le capitalisme constitue une forme de société mercantile.
(1) Le "rez-de-chaussée" (Braudel, III, 1979, p 546) se caractérise par l'autoconsommation, le hors marché, l'économie de la maison.
(2) Le monde économique ne semble véritablement débuter qu'au deuxième étage ; en effet “L'économie commence au seuil de la valeur d'échange.” (Braudel, II, 1979, p 7).
- Au deuxième étage, le marché[n11] relie l'univers de la production et de la consommation à travers boutiques[n12], colporteurs etc.
- Il constitue ainsi un ensemble d'institutions, même si Braudel ne l'évoque pas en ces termes, puisqu'il est encadré, surveillé.
- Finalement, “L'économie, au sens où nous voudrions utiliser le mot, c'est le monde de la transparence et de la régularité où chacun peut savoir à l'avance, instruit par l'expérience commune, comment se dérouleront les processus de l'échange.” (Braudel, II, 1979, p 543). Enfin,
(3) “Au-dessus des marchés, des boutiques, du colportage se situe, aux mains d'acteurs brillants, une puissante superstructure des échanges. C'est l'étage des rouages majeurs, de la grande économie, forcément du capitalisme[n13] [n14] qui n'existerait pas sans elle{= superstructure}.” (Braudel, II, 1979, p 77).
- Ici règnent les grands marchands, les acteurs qui peuvent choisir, qui peuvent changer d'activité au gré des opportunités de profit. Des acteurs qui trichent, contournent les règles, les normes.
“la zone par excellence de l'économie de marché multiplie les liaisons à l'horizontale entre les divers marchés ; un certain automatisme y lie d'ordinaire offre, demande et prix. Enfin, à côté ou mieux au-dessus de cette nappe, la zone du contre-marché est le règne de la débrouille et du droit du plus fort. C'est là que se situe par excellence le domaine du capitalisme – hier comme aujourd'hui, avant comme après la Révolution industrielle.” (Braudel, II, 1979, pp 264-265).
- Le capitalisme, à l'encontre de toute transparence, allonge la chaîne entre le producteur et le consommateur. “Plus ces chaînes s'allongent, plus elles échappent aux règles et aux contrôles habituels, plus le processus capitaliste émerge clairement.” (Braudel, 1985, p 58). Le commerce “international” en constitue l'activité fondamentale, vecteur de “surprofit“.
“La supériorité incontestable /.../ du commerce au long cours, c'est la concentration qu'il autorise et qui fait de lui un moteur sans égal pour la reproduction et l'augmentation rapide du capital.” (Braudel, II, 1979, p 481)[n15].
[n11] Braudel reste prudent et “n'universalise” pas “le” marché : “le mot [marché], en soi, est très équivoque.
(1) D'une part, on l'applique, dans son sens très élargi, à toutes les formes de l'échange pour peu qu'elles dépassent l'autosuffisance, à tous les rouages élémentaires et supérieurs que nous venons de décrire, à toutes les catégories qui concernent les surfaces marchandes (marché urbain, marché national), ou à tel ou tel produit (marchés du sucre, des métaux précieux, des épices). Le mot est alors l'équivalent d'échange, de circulation, de distribution.
(2) D'autre part, le mot marché désigne souvent une forme assez large de l'échange, dite aussi l'économie de marché, c'est-à-dire un système.
(3) La difficulté, c'est :
- que le complexe du marché ne se comprend que replacé dans l'ensemble d'une vie économique et non moins d'une vie sociale qui changent avec les années ;
- que ce complexe ne cesse d'évoluer lui-même et de se transformer, donc de ne pas avoir, d'un instant à l'autre, la même signification ou la même portée." (Braudel, II, 1979, pp 256-257).
[n13] Ce dernier renvoie aux termes de "capital, réalité tangible, masse de moyens aisément identifiables, sans fin à l'oeuvre" et de "capitaliste, l'homme qui préside ou essaie de présider à l'insertion du capital dans l'incessant processus de production à quoi les sociétés sont toutes condamnées ; le capitalisme, c'est, en gros (mais en gros seulement), la façon dont est conduit, pour des fins peu altruistes d'ordinaire, ce jeu constant d'insertion." (Braudel, 1985, p 52).
[n14] Braudel évoque également un "microcapitalisme". Ainsi au XIIIe, "On ne saurait dire, vu mille incertitudes, si le régime mêlé des marchands et des artisans en boutique (chaussiers, épiciers, merciers, drapiers, tapissiers, bourreliers...) porte déjà en son sommet un micro-capitalisme, mais c'est vraisemblable." (Braudel, II, 1979, p 371). Le marché privé tend alors "à éliminer la concurrence, à promouvoir à la base un microcapitalisme qui, en substance, suit les mêmes voies que le capitalisme des activités supérieures de l'échange." (Braudel, II, p 489).
3.
Néanmoins, loin de recourir à une vision téléologique d'obédience marxisante ou libérale, Braudel convoque des facteurs politiques et économiques.
“Passer du marché régional au marché national[n16], en cousant ensemble des économies d'assez court rayon, quasi autonomes et souvent fortement individualisées, n'a donc rien eu de spontané. Le marché a été une cohérence imposée à la fois par la volonté politique, pas toujours efficace en la matière, et par les tensions capitalistes du commerce, notamment du commerce extérieur et à longue distance. Un certain épanouissement des échanges extérieurs a précédé, d'ordinaire, l'unification laborieuse du marché national. Voilà qui nous incite à penser que les marchés nationaux devraient, par priorité, se développer au centre ou à proximité du centre d'une économie-monde, dans les mailles mêmes du capitalisme.” (Braudel, III, 1979, pp 235 et 237).
Ainsi l'économique, quelle que soit d'ailleurs l'époque à laquelle on s'intéresse, est structuré par ces trois étages. Mais l'importance de ces trois étages varie :
“je ne prétends pas, au contraire, que cette économie de marché, proche de la concurrence, recouvre toute l'économie. Elle n'y parvient pas plus aujourd'hui qu'hier bien que dans des proportions et pour des raisons tout à fait différentes. Le caractère partiel de l'économie de marché peut tenir, en effet, soit à l'importance du secteur d'autosuffisance, soit à l'autorité de l'Etat qui soustrait une partie de la production à la circulation marchande, soit tout autant, ou plus encore, au simple poids de l'argent qui peut, de mille façons, intervenir artificiellement dans la formation des prix. L'économie de marché peut donc être sapée par le bas ou par le haut, dans des économies attardées ou très avancées.” (Braudel, II, p 262).
Cependant, les deux derniers siècles ont vu l'extension de l'importance de l'étage capitaliste.
4.
Schumpeter et Braudel divergent quant à l'acception{=signification} retenue du capitalisme.
- Le premier le caractérise par le mouvement, impulsé par des individus qui introduisent du nouveau au sein de la société,
- le second en fait l'étage d'une certaine liberté, d'un contre-marché où la concurrence ne constitue pas la norme.
“le principal privilège du capitalisme, aujourd'hui comme hier, reste la liberté de choisir – un privilège qui tient, tout à la fois, à sa position sociale dominante, au poids de ses capitaux, à ses capacités d'emprunt, à son réseau d'information, et non moins à ces liens qui, entre les membres d'une minorité puissante, si divisée qu'elle soit par le jeu de la concurrence, créent une série de règles et de complicités /.../ il laisse aujourd'hui, hors de ses prises, d'importants volumes d'activité, il les abandonne à une économie de marché qui tourne d'elle-même, à l'initiative des petites entreprises, à l'acharnement artisanal et ouvrier, à la débrouille des petites gens.” (Braudel, III, 1979, pp 539 et 540).
Le capitalisme ne rime pas avec concurrence, cette dernière est l'apanage de l'étage précédent.
“[les capitalistes] ont la supériorité de l'information, de l'intelligence, de la culture. Et ils saisissent autour d'eux ce qui est bon à prendre – la terre, les immeubles, les rentes... Qu'ils aient à leur disposition des monopoles ou simplement la puissance nécessaire pour effacer neuf fois sur dix la concurrence, qui en douterait ?” (Braudel, 1985, p 61).
Les autres étages de la société peuvent également contribuer à une réduction de la concurrence et à un développement des tendances monopolistiques.
“Je ne prétends pas, au contraire, que cette économie de marché, proche de la concurrence, recouvre toute l'économie. Elle n'y parvient pas plus aujourd'hui qu'hier bien que dans des proportions et pour des raisons tout à fait différentes. Le caractère partiel de l'économie de marché peut tenir, en effet, soit à l'importance du secteur d'autosuffisance, soit à l'autorité de l'Etat qui soustrait une partie de la production à la circulation marchande, soit tout autant, ou plus encore, au simple poids de l'argent qui peut, de mille façons, intervenir artificiellement dans la formation des prix. L'économie de marché peut donc être sapée par le bas ou par le haut, dans des économies attardées ou très avancées.” (Braudel, II, 1979, p 262).
Braudel serait aussi sans doute agacé par la prédominance du capitalisme industriel des économistes notamment.
“Alors peut-on parler d'un capitalisme ‘industriel’ qui serait le ‘vrai’ capitalisme, succédant triomphalement au capitalisme marchand (le faux) et finalement, à contre coeur, cédant le pas à l'ultramoderne capitalisme financier ? Les capitalismes bancaires, industriel et commercial (car le capitalisme n'a jamais cessé d'être au premier chef marchand) coexistent tout au long du 19e siècle, et déjà avant le 19e siècle, et bien après le 19e siècle.” (Braudel, III, 1979, p 527).
Les changements dans les priorités, les investissements, les paris des capitalistes reposent tout simplement sur les opportunités de profit.
D'un point de vue plus “mondial” et en écho avec son analyse en terme d'économies-monde, le capitalisme ne “prend” pas de la même façon partout. Il a connu un terrain favorable en Europe parce que les circonstances politiques, économiques et sociales lui ont permis une expansion.
“L'Europe a eu une haute société au moins double, qui, malgré les avatars de l'histoire, a pu développer ses lignages sans difficultés insurmontables, n'ayant devant elle ni la tyrannie totalisante, ni la tyrannie du prince arbitraire. L'Europe favorise ainsi l'accumulation patiente des richesses et, dans une société diversifiée, le développement de forces et hiérarchies multiples dont les rivalités peuvent jouer dans des sens très divers. En ce qui concerne le capitalisme européen, l'ordre social fondé sur la puissance de l'économie a sans doute profité de sa position seconde : par contraste avec l'ordre social fondé sur le seul privilège de la naissance, il s'est fait accepter comme étant sous le signe de la mesure, de la sagesse, du travail, d'une certaine justification. La classe politiquement dominante accapare l'attention, comme les pointes qui attirent la foudre. Le privilège du seigneur a ainsi, plus d'une fois, fait oublier le privilège du marchand.” (Braudel, II, 1979, p 723).
Par analogie et en cédant à une extrapolation hâtive, on pourrait ainsi croire à un probable succès du capitalisme chinois, et ce d'autant plus que le passé a déjà fourni des éléments en ce sens (technologie, vastes marchés etc.), accompagné d'un déclin du capitalisme européen voire américain. Le basculement du monde se faisant dès lors sous nos yeux.
5.
Bref, on le voit l'économie ne suffit pas à appréhender le capitalisme :
“La pire des erreurs c'est encore de soutenir que le capitalisme est ‘un système économique’, sans plus, alors qu’il vit de l'ordre social, qu’il est adversaire ou complice, à égalité (ou presque) avec l'Etat, personnage encombrant s'il en est – et cela depuis toujours ; qu’il profite aussi de tout l'appui que la culture apporte à la solidité de l'édifice social, car la culture, inégalement partagée, traversée de courants contradictoires, donne malgré tout, en fin de compte, le meilleur d'elle-même au soutien de l'ordre en place ; qu’il tient les classes dominantes qui, en le défendant, se défendent elles-mêmes.” (Braudel, III, 1979, p 540).
Michel Beaud s'inspire d'ailleurs des deux auteurs :
“le capitalisme ne peut être lu ni comme un "mode de production" s'inscrivant dans l'infrastructure productive, ni comme un simple "système économique" ; car il s'inscrit d'emblée dans les dimensions du social, du politique et de l'idéologique. Ce n'est pas non plus un acteur capable de vouloir, de planifier, de choisir. C'est une logique social complexe qui, portée par une multitude d'acteurs, se traduit par des dynamiques, des engrenages, des spirales, des blocages et des crises - crises que nul n'a voulues, même si ceux qui ont contribué à leur survenue sont innombrables. Une logique sociale qui engendre une totalité, une totalité sociale à la fois territorialisés et mondiale” (M. Beaud, 2000, p 82).
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