출처: Frédéric Lordon, La politique du capital (Odile Jacob, 2002)
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※ 약식 목차
- Introduction (7)
- Chapitre premier Le conatus du capital (17)
- Le conatus en ses rationalisations (91)
- Les entreprises de la persuasion (147)
- La politique du capital en ses manœuvres (191)
- Le capital patrimonial arbitre (231)
- Conclusion Logomachies du capital (263)
- Ex cursus L'effondrement mental de l'État (291)
- Chronologie 317
- Bibliographie 337
※ excerpts:
* * *
Introduction
Parler
de politque du capital nécessite d’emblée de dissiper un
malentendu. Il ne s’agira pas d’évoquer l’emprise des
puissance privées sur la vie collective et, par là, la concurrence
de fait dans laquele elles entrent vis-à-vis du pouvoir politique.
Quand un même groupe assure à l’échelle nationale à la fois la
distribution de l’eau ; le ramassage scolaire, la gestion
hospitalière, l’enlèvement des ordures, la téléphonie fixe et
mobile, l’accès Internet et la gamme presque complète des
produits du divertissement, il est vrai qu’il y a lieu de le
considérer comme une puissance se déployant à l’échelle même
de la cité entière, c’est-à-dire en vis-à-vis direct avec
l’Etat.
Il
ne s’agira pas non plus de reprendre d’une manière ou d’une
autre la thématique marxienne de l’appreil d’Etat pénétré par
les intérêts privés, la puissance publique se trouvant remise de
fait au mains des grands du capital, à la fois par le jeu de la
sociologie des élites et par celui de la dépendence matérielle et
financière dans laquelle le pouvoir politique tombe vis-à-vis des
puissance d’argent.
Il
y aurait pourtant beaucoup à dire sur toutes ces dimensions
politiques du capital, peut-être plus actuelles que jamais. Mais ce
n’est pas d’elles qu’il va être question maintenant. En fait,
on se propose d’envisager la politique non pas comme une extension
du capital, mais comme partie de son activité intrinsèque. La
politique du capital n’est pas (seulement) un supplément de
puissance déployé à partir d’une base strictement économique,
comme le proposent les précédentes intérprétations, elles est
l’expression de ce que, dans son mouvement même, le capital a à
voir avec la recherche de la puissance, que toute son économie y
concourt et s’y trouve d’une certaine manière dédiée.
Par un paradoxe parfaitement involontaire, le capitalisme financiarisé a la propriété de rendre plus saillante que jamais les menées de la politique du capital et de mettre en pleine lumière son enjeu fondamental : le contrôle capitalistique. Car faire de la politique, pour les entités du capital, signifie uniment organiser l’expansion et pourvoir à la survie. Or l’une et l’autre opérations en passant désormais par le marché des titres négociables, là même où s’échange la propriété, cette essence de l’être du capital—dans lequel précisément il s’agit de persister. Parce qu’il a trait au maintien de la souveraineté ou à l’exercice de l’influence, le contrôle de la propriété est l’obsession de la politique du capital, obsession portée à un degré sans précédent en une période où le capital flottant s’est accru du dénouement des participations croisées et, circulent librement sur le marché, se trouve pour ainsi dire mis à l’encan, offert à la convoitise de tous les prédateurs potentiels. Cette expositin permanente à tous les désirs d’appropriation est pour les hommes du capital la source d’une angoisse chronique, et la plus grande part de leur activité politique est consacrée à la surveillance de l’échiquier capitalistique, à l’anticipation des menaces en préparation, et à la passation des alliances protectrices. A front renversé, l’environnement hostile des uns est un monde d’opportunités pour les autres. Et du côté de la capture c’est la même activité politique qui se déploie : vigie stratégique et repérage des cibles, encerclement progressif ou rapid foudroyant, coalition de combat ou prise à témoin des marchés...
Toutes
ces choses ont très peu à voir avec la pure rationalité
économique, du moins si on entend par là la subordination des
meilleurs moyens à la fin exclusive de la maximisation du profit. Et
si les hommes du capital s’abstraient ainsi sans hésiter des
commandements supposés de leur raison sociale, c’est bien parce
qu’en toute ces situations où il y va de la propriété, its se
trouvent confrontés à des enjeux autrement plus fondamentaux que
l’accomplicement des idéaltypes de la théorie ou (plus
vraisemblablement!) la consolidation des représentations qu’ils
aiment ordinairement à donner eux-mêmes. C’est de vivre ou
mourir qu’il est question, de se maintenir dans l’être du
capital ou d’en disparaître, de s’y étendre ou de s’y
amoindri, et ce sont là des enjeux vitaux qui priment toute autre
considération, et s’imposent sans compromis possible. En ces
moments décisifs où les hommes du capital et leurs organisations
engagent ce qu’ils ont de plus essentiel, soit qu’ils combattent
pour la survie, soit qu’ils s’abandonnent à la pulsion
d’expansion, la maximisation du profit peut attendre, et c’est
une autre rationalité, une rationalité politique, qui se substitue
alors à la rationalité économique.
*
Le
recul des années et son actualité en apparence défraîchie
n’entamment en rien la valeur d’archétype du conflit d’OPE qui
a jeté les unes contre les autres trois des plus grandes banques
françaises en 1999. Car c’est précisément cette politique du
capital qui, en ce moment convulsif, se donne à voir pour une fois à
visage presque totalement découvert. Prendre cet épisode pour
objet ne se justifie donc pas par la nécessité de faire une simple
chronique (en l’espèce un peu tardive!) d’un affrontement
pourtant sans précédent (2), mais plutôt par son extraordinaire
pouvoir de concentration et de révélation des caractéristiques les
plus fondamentales du capitalisme financiarisé, maintenant sur les
rails pour longtemps—et peut-être même, au-delà encore, du
capitalisme tout court.
(…
p. 10-13 …) p. 14 :
(…)
comme fondamentalement dépolitisées, la pensée de Spinoza affirme
le primat de la lutte et l’ancre dans une ontologie et même une
anthropologie de la puissances. Les luttes pour le pouvoir, les
luttes pour la reconnaissance ou pour la domination et tous ces élans
fondamentalement agonistiques, puisqu’ils sont voués à se heurter
les uns les autres, trouvent leur impulsion dans le conatus comme
effort d’affirmation existentielle. Il n’est donc peut-être
aucune philosophie qui davantage que celle de Spinoza, prenne au
sérieux la violence du monde et soit plus immédiatement politique,
précisément parce que considérant les hommes « tels qu’ils
sont », elle n’ignore rien de leurs compulsives motions
d’expansion, de leur destin qui est de se rencontrer et de se
contrarier, et ce que ces chocs inévitables sont la matière même
du politique.
Il
était donc tout sauf fortuit qu’on choisisse un fait de guerre
financière pour illustrer cette conversion presque nécessaire d’une
ontologie de l’activité en une science sociale du conflit ou, plus
près encore du présent cas de figure, en une économie politique de
la puissance. Et it était d’autant plus utile de faire ce choix du
champ économique que les conceptions habituelles de la théorie
standard opposent des résistances particulièrement vives à l’idée
qu’en ce domaine au moins le désordre des pulsions a été
maîtrisé par la norme de la rationalité. Plus d’affects, rien
que du calcul. Cette réticence, on pourrait même dire parfois cette
répugnance à reconnaître en quelque sorte cette part maudite de
l’économie a ceci de particulier qu’elle est commune aussi bien
aux théoriciens qu’aux praticiens de l’économie, les uns
voulant préserver l’idéalité d’un taxis rationnel, les
autres étant occupés à dénier leurs entreprises de pouvoir et à
reconduire la croyance selon laquelle l’économie est un jeu dont
la règle est la maximisation du profit à l’exclusion de toute
autre chose. En fait, on ne saurait céder à l’antinomie trop
simple de la rationalité parfaitement désaffectée et du chaos
pulsionnel, et ce que l’analyse de l’épisode bancaire de 1999
voudrait montrer tient précisément au savant mélange des deux
ingrédients qui s’en dégage. Car s’il serait évidemment
absurde de soutenir que les agents s’abandonnent à la rage d’un
désir de conquête totalement désordoné, a contrario il
serait tout aussi fautif, reconnaissant qu’il y a du calcul,
d’omettre de demander : « du calcul en vue de quoi ? »
C’est là qu’on peut se séparer de la théorie économique
standard qui répond : « en vue de la maximisation du
profit et rien d’autre », sans pour autant abandonner l’idée
de rationalité mais respécifiée comme rationalité politique,
c’est-à-dire rationalité orientée vers les fins de la puissance.
Ainsi la croyance économique, croyance en la pure économicité des
choses économiques, et notamment croyance que l’avènement de
l’économie signifie l’arraisonnement parfait des pulsions
sauvages et leur domestication intégrale au service de la seule
maximisation du profit, est mensongère. Et pourtant toute
rationalité ne s’est pas évanouie. Il reste bien celle de
l’adéquation des moyens aux fins, mais pourvu qu’on renonce à
donner à l’adéquation la seule forme de la maximisation et aux
fins la seule forme du profit...
(…
p. 15-16...)
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