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누가, 어느 공간에, 어떤 취지로 썼던 글인지 분명해 보이지 않는다. 꽤 장문인 것을 보면 어느 책에서 발췌한 내용 같기도 하다. 테크네techné와 포에시스poesis(포이에시스poïesis??)에 대한 논의가 보이는 대목을 모아둔다.
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La conception de l’activité de fabrication chez les Grecs. Les Grecs anciens n’imaginaient évidemment pas du tout la possibilité que le monde ait pu être crée, que ce monde ait pu apparaître, émerger, surgir, à partir de rien. Donc ils n’ont pas du tout l’idée d’un artiste qui comme Dieu ferait surgir les choses par sa parole à partir de rien[.]
Pour élucider la conception de l’acte de production artistique chez les Grecs, il faut partir de deux concepts, TECHNé et POïESIS. Ces deux termes pourraient être traduit par art. Cela prouve bien que l’on a pas du tout les équivalents conceptuels en français. Il y a souvent une polysémie en grec, qui ne correspond pas du tout au découpage des concepts dans la langue latine. Cette élucidation de l’acte de production artistique n’occupe pas une place secondaire dans l’économie de la philosophie grecque. Heidegger, dans la lecture qu’il fait de Aristote, il dit que d’une certaine manière, tout part de là. Toute la philosophie grecque est issu de cette interprétation de l’acte de fabrication. Heidegger montre en particulier que le couple fondamental matière forme, à partir duquel est structurée en grande partie la pensée occidentale.
Deux concepts pour penser cette fabrication, Technè, on pourrait dire que c’est le concept qui réfère à un savoir-faire, on est vraiment du côté de la connaissance, la technè c’est un cycle de connaissance, et poïesis, est un terme qui vient du verbe poïein, qui veut dire faire, fabriquer. Notre poète évidemment vient de là. Mais c’est un développement fort tardif. Il n’a pas grand chose à voir avec le premier sens grec. Un couple de concept à travers lequel s’élabore la pensée grecque de l’art, et plus largement, de la production par l’homme d’un objet, dans son sens le plus large.
Commençons par Technè : un savoir-faire, On va commencer par une citation d’un texte d’Aristote, c’est un extrait de la métaphysique : « Il y a art (technè) quand de nombreuses notions empiriques donnent naissance à une seule conception générale de cas semblables. »
Techné, c’est une des formes de savoir premier. Aristote commence à dire dans la métaphysique, qu’il y a des formes de savoir que nous partageons avec les animaux. Par exemple, ce qui s’acquiert par expérience. Cette idée que l’animal va coordonner des informations pour acquérir, et arriver à quelque chose comme un premier fond d’expérience. La phase au-dessus cette phase là, est la technè. Au moment où les hommes acquièrent par expérience un certain nombres de connaissances, et à partir de là, ils sont capables d’énoncer des règles. La technè est un savoir qui est empirique. Il prend ses racines dans l’expérience. Nous pourrions traduire cela par un certain savoir-faire, ou une habileté. Quand on est capable de coordonner des moyens, pour obtenir efficacement un résultat dans un domaine. Autant dire que c’est plutôt au pluriel qu’au singulier, il faut parler des technaï, parce qu’il y a une multitude de technè. Il y a par exemple la technè du charpentier, ce n’est pas la même exactement que celle du menuisier, qui assurément n’est pas la même que celle du cordonnier, qui n’est pas la même que celle du tisserand. Et puis, même en sortant du registre des activités manuelles, on peut dire qu’il y a une technè spécifique pour le cuisinier, pour l’homme politique, pour le stratège, pour l’orateur, pour le sophiste, etc.. Tant l’on a de champs de savoir, tant on a de technaï possibles. Il s’agit d’accumuler une certaine expérience, et grâce à cela, d’obtenir aisément un résultat. Le propre des technaï, c’est qu’elles sont d’abord transmissibles. Cela est une donnée importante dans la pluralité qui renvoie à toute une organisation de la société, la répartition des tâches dans la société. Mais, il y a aussi l’idée que c’est transmissible : on va pouvoir former un disciple à un moment ou un apprenti. Et le maître montrera comment il faut faire. Et puis, le propre des technaï, c’est qu’elles sont aussi codifiables. On peut trouver un manuel de cuisine, on peut écrire un canon pour construire correctement une statue en fonction du principe de proportionnalité cher aux grecs. Donc c’est un savoir qui est la connaissance de certains procédés, pour arriver à un résultat, et on peut voir que ce savoir et cette connaissance s’enracinent dans l’expérience. On retrouve la citation d’Aristote que l’on vient de voir : « on peut parler de technè, quand de nombreuses notions empiriques (ce qui est tiré de l’expérience), donnent naissance à une seule conception de cas semblables. » Lorsque l’on est capable de généraliser, d’énoncer une règle, et donc de transmettre quelque chose comme une généralisation par rapport à une expérience. On voit que la on est très loin du sens technè qui est technologique, et que l’on est évidemment très loin de ce que nous entendons par art, parce que, prenons l’exemple du sculpteur, il est pour un grec un technitès, il aurait une technè spécifique. Il a acquit un certain savoir, il connaît les canons, et il est capable d’arriver à ce résultat là. Dans une telle approche, avec un concept qui est aussi large, on n’a pas du tout une considération de l’activité artistique comme absolument singulière. C’est une activité parmi tant d’autres. Et on peut la comprendre à partir de grandes approches assez générales, dans les mêmes termes qu’un autre savoir-faire.
Pour Aristote, l’architecture est un art (technè). Pour Aristote, qu’est-ce que c’est qu’une technè ? C’est une certaine disposition à produire, accompagné de règles. On est capable de réaliser certaines choses si l’on connaît les règles.
C’est forcément un savoir spécialisé, qui peut s’apprendre, s’enseigner, voir se fixer dans des écrits. C’est évidemment un savoir qui requiert des modes d’apprentissages et qui va rassembler une certaine compétence. Pour Platon, la bonne société est celle qui donne la juste place pour développer. Ce savoir-faire s’est toujours référer à un savoir modèle.
Deuxième concept, le concept de poïesis. Là on est du côté de la fabrication. Poïesis : le faire œuvre. Le point de vue instrumental et non plus le point de vue de la connaissance. Là encore on va parler d’Aristote. Dans éthique à Nicomaque : « L’art (poïesis) concerne toujours un devenir et s’appliquer à un art c’est considérer la façon d’amener à l’existence une de ces choses qui sont susceptibles d’être ou de ne pas être. Mais dont le principe d’existence réside dans l’artiste et non dans la chose produite : l’art en effet ne concerne ni les choses qui existe nécessairement, ni non plus les êtres naturels qui ont en eux-mêmes leurs principes. » Quand il parle ici d’artiste, on traduit par le terme poïetes, on avait le technètes et le poïetes. Pour comprendre cela, il y a des distinctions à maîtriser. D’une part, des distinctions entre trois types d’êtres : ce qu’Aristote appelle les êtres qui existent nécessairement :
l’être intelligible.
L’être naturel.
L’être artificiel. Les produits par l’homme qui n’existent pas dans la nature, qui est le résultat d’une production humaine.
Une deuxième citation qui est nécessaire pour aller en avant dans l’élucidation de ce que l’on est en train de faire, c’est la distinction entre praxis et poïesis.
- Praxis a donné pratique en français mais cela n’a rien à voir : la praxis: l’action que l’on effectue qui aboutit à la transformation de sa propre personne intérieure. C’est éminemment la morale et la politique. C’est lorsque l’on produit quelque chose, mais qui aboutit à une transformation du sujet.
- La poïesis c’est quand il y a production de quelque chose qui est extérieure au sujet.
Toutes ces catégories sont très étrangères à nos modes de pensées. Dans la citation d’Aristote où tout est important, prenons d’abord la façon d’amener à l’existence, Aristote nous dit : qu’est-ce que cela veut dire pour un homme de fabriquer quelque chose. Quand on fabrique quelque chose, on fait être, une chose qui n’existait pas sous cette forme auparavant. Donc le fait d’amener à l’existence. Il insiste sur le fait que cette activité de fabrication même, elle se déploie dans le temps. C’est pour cela qu’il dit que cela concerne un devenir. Il faut du temps pour mettre en forme et réaliser cette fabrication. Il faut encore mettre en œuvre une distinction qui est propre à Aristote, qui est la distinction entre :
- Etre en puissance.
- Etre en acte.
Pensons par exemple à une graine, ou n’importe quelle semence, ou même un marron d’un châtaigner, on va pouvoir dire que le marron, la graine, elle est le châtaigner ou la plante, elle ne l’est pas exactement, mais elle le porte en puissance. Les Grecs faisaient très attention à cela. Qu’est-ce que c’est pour un être d’exister ? Dans le marron, il y a déjà le châtaigner qui est contenu. On va dire qu’il était simplement en puissance, c’est-à-dire qu’il n’était pas complètement développé.
Et puis, quand il sera en acte, c’est qu’il aura atteint son plein être. Or, cette représentation qui domine l’idée de la nature chez les Grecs, pour eux, les êtres naturels sont des êtres qui sont dans le devenir. Qui se déploient, de la puissance jusqu’à l’acte. Qui conquiert leur pleine existence. Qui sont dans le devenir, c’est à partir de cette conception de la nature qu’on va penser aussi l’activité de fabrication elle-même. Prenons un exemple pour que cela soit plus simple et plus concret. N’importe quel exemple de production humaine, prenons l’exemple du potier qui est un bel exemple grec, ce que fait notre potier c’est de faire un pot, il va évidemment utiliser de la matière, et des outils. La terre, qui aura été préparée. Et puis, il va avoir un projet, peut-être qu’il aura dessiné un original, en tout cas, il a l’idée de ce qu’il veut faire. Après, il va mettre en œuvre ces idées pour que la chose soit produite. Il va s’arrêter quand la chose aura la forme qui correspond à ce qu’il avait en tête, et lorsqu’elle sera bien achevée. Si c’est raté, il est probable qu’il en fera une boule, et qu’il recommencera. Qu’est-ce qui lui fera dire que c’est réussi, c’est que l’objet sera bien adapté à ce qui doit être sa fonction. S’il a comme projet de faire une amphore, s’il a comme projet de faire une cruche à boire, il la fera d’une certaine taille. Aristote essaye de théoriser tout cela, et il se demande ce qu’il faut pour produire un objet. Il faut quatre choses : c’est ce que l’on appelle les fameuses causes, au sens de ce qui rend compte de la chose :
- D’abord, la matière, là c’est la terre glaise, pour un sculpteur, ce sera le bloc de marbre.
- Après, il faut un projet qui se rallie à un type, un modèle : la forme. Par exemple qu’est-ce qu’une oenochoée chez les grecs ? C’est à la fois la structuration externe de la chose et puis le modèle.
- Les mains et les outils : la cause motrice, efficiente (dans efficient, il y a l’idée de fabrication : on fait)
- La finalité : quand est-ce que cela va par rapport au but que l’on s’était fixé. (Finalité sans fin n’est pas dans l’horizon grec, c’est beaucoup plus tard).
On a là les quatre principes d’intelligibilité de tout être artificiel. Ces quatre causes veut penser à travers elle les êtres naturels. Prenons le dauphin, il y a des os, de la peau, de la matière, il a une certaine forme puisque c’est une espèce qui ressemble à ces congénères, il y a une forme, une organisation de cette matière qui prouve qu’il est un certain type d’animal. Là c’est différent, c’est naturel, il n’y a pas un artisan qui fabrique. Aristote va dire que la différence c’est que là, l’être naturel se déploie. Il est en devenir et puis il y a un déclin à un moment. La nature fait une sorte de mouvement interne, tous les êtres se développent et vont vers une finalité. Parce qu’il y a une conception finaliste de la nature. C’est l’idée que les êtres naturels dans leurs formes sont parfaitement adaptés à une organisation cosmique générale. Chez les grecs il y a une conception très forte du cosmos, l’ordre général des choses, du fait que l’ensemble de la nature est proportionné. Le mot nature phusis en grec : ce qui pousse. Donc il y a cette idée chez les grecs que dans tout ce qu’il y a de naturel, il y a un mouvement. Tous ses êtres sont liés selon un principe d’organisation générale mais qui est finaliste. On a une approche de la production humaine qui est fondée sur un modèle naturel. On pense l’activité humaine sur le modèle de la nature elle-même. Est-ce que c’est pas plutôt les grecs qui ont pensé la nature en voyant les hommes travailler. A ce moment là on aurait une conception artificialiste de la nature. Dans l’histoire des hommes, tout à vraisemblablement commencé par la fabrication des outils peut être avant de réfléchir sur qu’est-ce que c’est que la nature. Et qu’après avoir regardé des hommes faire des choses, on a par analogie développée une certaine idée de la nature. Si on est plus respectueux de la pensée grecque, on verra que c’est le naturalisme qui domine, parce que chez les grecs c’est la nature qui est la norme. L’art imite la nature. Voilà la fameuse phrase sur laquelle on fait toujours un affreux contresens. Pourquoi l’art imite la nature ? Cela ne veut pas du tout dire que la peinture doit imiter le monde des apparences. Quand Aristote a dit l’art imite la nature, il voulait dire l’activité poïetique de fabrication même reproduit dans son origine le mouvement même qui est à l’œuvre dans la nature. Donc c’est une conception très différente. Qu’est-ce qu’il s’est passé dans l’histoire de la théorie de l’art qu’on a déplacé cette phrase de son contexte et on en a fait le fondement de la conception illusionniste de l’art, en particulier à la renaissance. Aristote voulait dire : quand un homme produit un objet, si il le porte à l’existence, et bien, il fait comme la nature, qui introduit les êtres naturels. Dans la nature, il y a une sorte de mouvement interne, la phusis.
Ces quatre principes d’intelligibilité nous permettent aussi bien de penser les êtres naturels que les êtres artificiels. Il y a une question que l’on peut se poser, dans ces quatre notions, est-ce qu’il y en a une qui est plus importante que les autres ?La forme prend le pas sur la matière, le côté important de la forme vis à vis d’une matière. La matière est interprétée comme la mort, en pensée négative. C’est un peu dangereux la matière, c’est ce qu’on n’a pas formé. C’est ce qui n’est pas enclos dans la forme rationnelle qui est le mal chez les Grecs. Toute cette menace de démesure. Parmi les quatre causes, celle qui commande toutes les autres, c’est la finalité. C’est en fonction de la finalité que la chose se transforme. C’est la finalité qui dicte la forme et la matière.
Heidegger la question de la technique : il commence à dire : poïesis et phusis sont très comparables. « le point essentiel est que nous prenions la production (conduire hors de soit devant soit. (poiesis) n’est pas seulement la fabrication artisanale, elle n’est pas seulement l’axe poétique et artistique qui fait apparaître et en forme et en image, la phusis par laquelle la chose s’ouvre d’elle-même est aussi production poïesis. »
La conception de l’artiste par ce que ce n’est pas un mot qui existe chez les Grecs. Cette pensée grecque de la production humaine. Evidemment, on ne peut pas penser l’artiste si on n’a pas d’abord essayer de comprendre la production humaine chez les Grecs. On voit bien pourquoi on ne peut pas distinguer artiste artisan. Sur le plan de la technè, bien sûr ils n’ont pas la même puisque le cordonnier n’a pas la même technique que le tisserand, ni que le peintre, etc. et puis sur le plan de la poïètique, ce qu’il y a de différent, il n’y en a pas, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de produire quelque chose à partir d’une matière, en vu d’une certaine finalité. Chez les Grecs, on a une société artisanale, il n’y a pas de machine à produire, donc il n’y a pas vraiment de différences dans l’activité du cordonnier et dans celle de l’artiste l’un et l’autre font un objet à partir d’une certaine matière, une certaine forme pour obtenir une certaine finalité. A l’époque des grecs, l’artiste n’était pas distingué des artisans, et le métier d’artiste n’était pas un métier pour les hommes libres. C’était un métier soit pour les esclaves soit pour les métèques. S’était les personnes qui n’avaient pas le droit de citer. On va dire sur la question de Phidias, que c’est l’exception de quelques grands artistes qui ont été connus et estimés. La plupart des artistes sont anonymes, et surtout font l’objet d’un très grand mépris. Donc il n’y a pas de distinction artiste-artisan sur le plan de mode de faire, ni non plus sur le plan sociologique. L’artiste n’a pas un statut social supérieur. La mythologie des peintres : il y a un tas d’histoires sur les artistes grecs, qui ont été véhiculée dans la littérature latine, c’est une légende des peintres. Elle circule à la renaissance, il y a des tableaux qui ont été fait à partir de cette légende. Les gens de la renaissance avaient tout intérêt à mettre en avant cette légende, parce qu’ils voulaient revaloriser l’activité artistique. On voulait la distinguer des activités mécaniques, on voulait en faire une activité libérale, donc on s’appuyait sur les légendes. Les artistes grecs étaient peu signées. Les statues sont signées ainsi elle parle, elle dit : un tel m’a dédié. Un tel a donné l’argent.
Une référence sur l’artiste artisan : Jean-Pierre Vernant, un historien helléniste. Il a comme spécialité la pensée grecque. Dans toute son œuvre, il y a un texte important pour nous : Travail et nature dans la Grèce ancienne. Plus particulièrement le chapitre 15. on va donc se laisser guider par l’une de ces conclusions : « la pensée antique considère moins le processus de production (poïesis) que l’usage qui en ait fait. Le but en vu de quoi la chose est faite, est plus important que la finalité et le message. A partir de là, on va effectivement comprendre que si on privilégie l’usage à la finalité des choses, la personne de l’artisan artiste n’apparaîtra jamais que comme un moyen d’atteindre cet usage. L’artiste-artisan est un moyen, c’est un instrument, c’est à travers lui que les choses s’opèrent, c’est seulement un relais. Reprenons l’idée de Vernant selon laquelle la figure de l’artiste est approchée à partir du thème de l’obéissance ou bien encore de la soumission. Une soumission dont on peut dire qu’elle est triple.
D’abord une soumission de l’artisan au produit lui-même. Appuyons-nous là sur une phrase d’Aristote, la maison est différente du maçon, mais l’art du maçon est en vue de la maison. Donc celui qui construit l’instrument n’est pas la même chose que le produit, mais il y en a un qui est soumis à l’autre. S’il y a une technè de l’architecte, ce n’est par pour elle-même, c’est en vue de la maison. Donc soumission au produit. L’art du maçon existe en vue de la maison. On peut même aller plus loin, toujours en suivant Aristote, cette fis c’est dans la métaphysique : Chaque fois qu’il y a production (poïesis), l’acte est dans l’objet produit. Le plein développement de la chose est dans l’objet de l’artisan, celui qui fabrique la chose.
St Thomas, moyen-âge, 13ème siècle: st thomas est le commentateur d’Aristote, c’est lui qui a commenté tous les écrits d’Aristote : « la perfection n’est pas dans celui qui fait, elle est dans ce qui est fait. » On n’est pas dans une vision personnalisante de l’artiste. Il n’est pas un individu singulier que l’on va estimer pour ses capacités propres, c’est juste quelqu’un qui permet la réalisation d’un certain produit.
Deuxième soumission : soumission de l’artisan qu’il veut espérer. Il y a un passage assez étonnant dans la république où Platon prend l’exemple du fabricant de flûtes et du joueur de flûte. Qui est-ce qui sait, en matière de flûte ce qu’est une bonne flûte ? c’est celui qui la fabrique, ou c’est celui qui en joue ? Pour Glaucon, évidemment, c’est celui qui en joue. Là encore cela peut paraître bizarre, car si on ne sait pas comment fabriquer une flûte, et comment lui faire prendre un bon son. Mais cela veut dire tous simplement que la personne la plus importante est l’usager, ce n’est pas le fabricant. C’est lui qui a la compétence, c’est lui qui a le savoir, et Glaucon ajoute d’ailleurs c’est l’usager qui va guider le fabricant de flûtes. C’est lui qui lui dira comment il faut faire la flûte. Celui qui a le savoir et la compétence, c’est celui qui à l’usage de la chose, ce n’est pas celui qui la fabrique.
Enfin, troisième type de soumission, là on est dans un ordre de réalité plus philosophique, c’est une soumission à un modèle extérieur. Là encore on peut s’appuyer sur plusieurs textes de Platon, dans lesquels on dit souvent de l’artisan qu’il a les yeux fixés sur le modèle. Dans la pensée de Platon, il existe des essences intelligibles, qui sont les modèles des réalités sensibles, dans ce cadre de pensée, celui qui fabrique par exemple le lit de la république c’est le menuisier, l’ébéniste qui a les yeux fixés sur le modèle. Seulement ce modèle du lit, il est intemporel, il est éternel, c’est un lit intelligible, ce n’est pas l’artisan qui la fabriqué, lui il est simplement celui qui le regarde et qui incarne dans la matière le lit intelligible et il fera un lit sensible qui reprendra l’essentiel des caractéristiques. Donc on va dire que le modèle est ce qui dirige l’exécution de l’artisan. La forme n’est pas inventée par l’artiste. Ce sur quoi on reviendra à la renaissance. Où l’on dira l’artiste invente un modèle. Mais dans l’antiquité, ce n’est pas du tout cela. L’artisan n’est pas un inventeur.
Heidegger a quand même une bonne formule : il dit au fond la poïetique, c’est une forme de dévoilement chez les Grecs. Ce dévoilement rend bien compte de cet effacement du faire dans la pensée grecque. L’artisan amène juste à l’existence quelque chose. Il le dévoile. Artiste relais, la production est transitive, elle s’achève en dehors de lui, elle s’achève dans la finalité. Si on regarde du côté de la technè, du savoir-faire, on va dire qu’il y a un savoir-faire qui est supérieur à l’artiste. Il ne l’a pas inventé, cela lui a été transmis, il a reçu. L’artiste est toujours dépassé par un autre ordre de réalité, dans la soumission ou dans l’obéissance.
Poursuivons dans les conséquences : on voit bien que dans ce cadre de pensée là, il n’y a pas de culte de l’artiste possible. Il n’y a pas l’idée de l’artiste qui soit vraiment l’auteur de ce qu’il fait. L’artiste s’efface derrière son masque. On est là aux antipodes, l’opposé radicale d’une idée de l’artiste créateur. Puisque l’artiste créateur est celui qui domine complètement et qui fait surgir les choses, chez les Grecs, on a au contraire l’idée d’un artiste soumis sur tous les plans à des réalités et des ordres qui le dépasse, d’une certaine manière. Platon quand il parle du poète, dans un dialogue qui s’appelle Ion, il n’est pas plus tendre. Là évidemment il n’y a pas de fabrication au sens fort du terme, pour lui, le poète devient une marionnette : il prête sa bouche aux dieux. Les dieux l’inspire, il prête sa bouche, cela parle à travers lui, il dit des choses, il ne se rend même pas compte. Il y a un mépris de Platon pour le poète. Donc le poète est un instrument, car il n’a pas le savoir véritable. Chez les Grecs, tout travail associé à la matière est très fortement déconsidéré. Etre un artisan, c’est forcément avoir une place très basse dans la société, parce que l’on a un contact avec la matière. Dans l’idéal de l’homme grec, plus on est dégagé de la matière, et plus on peut être en contact avec le monde des idées, ce que les latin appellerons l’otium, l’oisiveté, mieux c’est. On est là très loin de notre conception occidentale du travail fondamental dans la définition de l’être humain. Chez les grecs comme chez les romains, travailler n’est pas bon pour le véritable homme. L’homme véritable c’est celui qui est dans l’otium, dans l’oisiveté, et qui peut complètement se consacrer à l’étude. Le savoir théorique pour lui-même détaché de toute implication pratique.
Cette conception du faire, doit être rattachée à une certaine conception de l’origine du monde. La pensée grec étrangère à l’idée de création ex nihilo. La création ex nihilo, à partir de rien. Cette idée de création ex nihilo, une certaine interprétation de la création biblique, c’est celle qui va se répandre à partir du moyen-âge, en tout cas chez les Grecs, il n’y a pas du tout l’idée que Dieu a fait surgir le monde à partir du rien, pour le grec, le monde est un crée. Il n’a ni commencement, ni fin, il peut y avoir des embrasements. Une conception du temps cyclique. Donc il n’y a pas de fin ni de commencement absolu. Le couple de concepts à partir desquels les Grecs pensent le commencement du monde, c’est le couple ordre et désordre. Le cosmos et le chaos. Le terme même de cosmos a deux sens : l’univers, mais le sens premier de cosmos, c’est l’ordre. Et pour les Grecs, c’est le même mot, parce que l’univers est la manifestation la plus grande, la plus claire, d’un certain ordre. L’univers est ordonné, il est harmonieux, il est mesuré, tout est bien à sa place. Tout est conforme à une certaine finalité, et quand on regarde la nature pour un grec, on doit s’émerveiller de la présence d’un ordre. Cosmos et le chaos, au départ, il y a de la matière. Au départ, il y a du désordre, ce n’est pas du néant, c’est du désordre. Et on va mettre de l’ordre dans ce désordre. Il y a des récits cosmogoniques grecs, le ciel qui se lie à la terre, Ouranos qui enfante Gaïa. Il y a un texte de Platon qui s’appelle le Timée, où il raconte l’origine du monde. En racontant l’origine du monde, il adopte une forme mystique. Il imagine un personnage qu’il appelle le démiurge. Démiurgos : démios : le peuple en grec, urgos, celui qui fabrique. C’est un autre mot pour dire artisan. Il invente une sorte d’artisan céleste, l’artisan divin qui façonne le monde. Il va bien expliquer que s’il y a une sorte d’artisan divin, mais ce n’est qu’un mythe, il produit le monde en ayant le regard fixé sur les idées. Ensuite il va rester fidèle à l’idée que l’on produit de l’ordre à partir du désordre, c’est-à-dire on met en forme le chaos premier. Il n’y a pas un dieu, il y en a plusieurs, il a certes le démiurge, assisté d’un tas d’autres dieux qui fabriquent d’autres choses. Extrait du Timée. « Voici du moins, derechef, ce qu’il faut examiner au sujet de l’univers. D’après lequel des deux modèles sont l’architecte (…) voit textes.
Il y a une idée que le monde ne s’est pas fait à partir de rien, il y avait déjà un univers intelligible, et un artisan comme le démiurge, il a quand même regardé le monde intelligible. L’action de Dieu est de donner une configuration, une forme à une matière qui été pré-existante. Cet arrangement, cette mise en forme, cette configuration dont parle Platon, ce n’est pas une création, et le démiurge n’est évidemment pas du tout un dieu créateur. Il se borne à mettre de l’ordre, et à fabriquer des êtres en contemplant les idées intelligibles. Voyons que là encore cette analogie avec l’activité de fabrication. Dieu fabrique le monde comme un artisan fabrique des objets, mais il y a une matière qui est là, et on met en forme cette matière. Cela veut donc dire qu’il y a une pré-existence d’une matière sur laquelle on impose une forme. Et que donc, l’origine du monde, ce n’est pas une création du monde.
Le texte du Timée cela va être un des textes les plus lu au moyen-âge. Evidemment au moyen-âge, on a essayé d’accorder la pensée chrétienne, la bible, et tout l’héritage des grecs. Les penseurs du moyen-âge essayaient de christianiser les Grecs ou de gréciser le christianisme, en tout cas de mettre en forme les deux pensées. Le Timée fut un des textes les plus lu au moyen-âge, parce que Platon y raconté l’origine du monde, il avait cette formule : il appelle le démiurge le fabricant et le père. Alors là les chrétiens disent que peut-être, Platon était un chrétien, il avait la pré-science de la vision chrétienne. On a fait des interprétations chrétienne de Platon. Ce que l’on peut sire aujourd’hui c’est que Platon n’a pas eu la pré-science des choses. Simplement, on a réajusté. Il y a bien un chaos pré-existant et après une mise en ordre.
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